“Legal ops is not about the practice of law, but about how the law is practiced”.
Laurie David-Henric
Laurie David-Henric a étudié le droit à l’université d’Avignon, de Montpellier mais également d’Aarhus au Danemark.
Elle a démarré sa carrière de juriste au sein du cabinet d’avocats Socojur puis de la multinationale Citco (spécialisée dans le domaine de la finance) en France. Elle est ensuite partie pour le Canada anglophone (Toronto) afin de se concentrer sur la gestion de projets légaux internationaux, puis de créer une nouvelle fonction dédiée à l’optimisation des processus opérationnels et business, toujours au sein du groupe Citco.
Aujourd’hui, elle est responsable mondiale des Legal Operations et de la stratégie chez Manulife, une compagnie d’assurance multinationale d’origine canadienne appartenant au classement « Fortune 500 ». Cette fonction a été promue au sein de l’équipe exécutive du Directeur Juridique monde lors de son arrivée.
Laurie est également la preuve qu’on peut être maman de 2 jeunes enfants et se lancer dans une nouvelle fonction stratégique à forte responsabilité !
Comment démarrez-vous votre journée ?
Je démarre généralement ma journée comme je la finis : avec l’Asie !
En effet, mon équipe supporte les opérations d’environ 1 000 personnes dans le monde, sur des sujets variés tels que le juridique, la compliance, ou encore les relations gouvernementales.
Et mon périmètre d’activité est principalement situé en Amérique du Nord et en Asie, donc je travaille sur 14 fuseaux horaires ! Aujourd’hui, typiquement, j’ai commencé à 7h30 avec un appel avec Hong-Kong et hier j’ai terminé avec l’Australie à 21h.
En revanche, lorsque j’ai la chance de ne pas avoir d’appels, je programme ma journée et je traite mes emails. Je suis une « control freak » de la boîte mail (rires) ! La mienne est organisée par code couleur (j’en ai une quinzaine !), et je catégorise les demandes entrantes en fonction du sujet et de l’urgence.
En quoi consiste une journée classique pour vous ?
La plupart de ma journée est dédiée à des rendez-vous, en présentiel ou en visioconférence (l’équipe étant « hybride »). Les rendez-vous s’enchaînent et j’ai peu de temps entre chaque !
Je peux regretter d’avoir parfois des journées de 14h avec 13h de meeting. Cela n’est pas productif, et dans ce cas, je n’ai pas le temps de « traiter » le rendez-vous comme il se doit.
Mais on est obligé d’aller à tous ces rendez-vous pour apprendre, surtout quand on démarre : il faut définir les besoins, aller à la rencontre des opérationnels et des personnes qui font votre entreprise, et délivrer des résultats le plus vite possible.
Attention toutefois à ne pas se noyer dans un verre d’eau ! Quand on démarre, on reçoit une montagne d’informations. Sauf que soit tu n’en as pas besoin, soit tu en as besoin mais pas sur le moment…
Ici, il m’a fallu quasiment 6 mois pour avoir confiance dans ma connaissance de mes interlocuteurs et de leurs besoins !
Également, je rencontre beaucoup de vendeurs de legaltechs. Je délègue ces rendez-vous à mon équipe car même si j’adore les legaltechs et tout ce que la technologie peut nous apporter, je sais que je n’ai pas besoin de 1000 outils ! Seulement une ou deux solutions seront en mesure de répondre à nos besoins, et c’est sur celles-ci que je passerai du temps
J’ai aussi une quantité de rendez-vous avec les équipes du service informatique de l’entreprise. On a une relation de partenariat soudée, et ils ont besoin de vision et de direction.
Pour cela, on prend une heure ensemble, on détermine là où on veut aller, les milestones et objectifs à atteindre, et ensuite le day-to-day est délégué. Je monitore, je valide les « brouillons » mais au journalier j’ai la chance d’avoir une équipe sur qui je peux déléguer ces missions avec le service informatique.
Sur ce point, je tiens à préciser que j’ai justement organisé l’équipe de sorte à pouvoir déléguer efficacement, c’était un objectif important pour moi !
Vous voulez en savoir plus sur le sujet ?
Selon vous, qu’attendent les opérationnels/votre direction de vous ?
D’un point de vue legal ops, les attentes entre directeur juridique et opérationnels sont forcément différentes, mais cela va globalement dans le même sens.
Du côté des opérationnels, ils souhaitent simplement qu’on leur facilite la vie ! Notamment avec la tech, mais ce n’est pas une formule magique, il ne faut pas précipiter les choses et d’abord définir clairement les (véritables) besoins.
Du côté de la direction, celle-ci veut, dans la même veine, un résultat similaire mais plus sur le plan financier : on veut optimiser la gestion des finances.
Je vous donne un exemple concret : j’ai hérité d’une équipe de 14 personnes. En regardant ce que celles-ci faisaient au jour le jour, j’ai constaté qu’un nombre phénoménal de tâches pouvaient être automatisées ou déléguées à notre équipe aux Philippines (excellente équipe de 130+ personnes qui désormais me reporte en pointillé). J’ai donc automatisé ou délégué ces tâches, et cela m’a permis de faire plus mais uniquement avec 11 personnes en Amérique du Nord. J’ai ensuite transféré 3 personnes dans d’autres équipes, là où ils seraient plus efficaces.
Cela rejoint ce que veulent les opérationnels et ma direction car c’est grâce à la tech et à la bonne gestion de mes ressources que je peux aller plus loin dans ce qu’ils veulent, c’est avec la tech que je peux obtenir de la visibilité sur les KPIs, de manière automatisée.
Les outils vont me donner accès à la donnée que mes ressources en Asie vont traiter et présenter visuellement. Ces données présentées clairement me permettent de raconter une histoire concrète et objective, qui elle va me permettre de rationaliser le travail, et donc les coûts. Par ricochet, la rationalisation du travail va simplifier la vie de mes opérationnels, et alléger les charges de l’entreprise !
Qu’est-ce que vous préférez dans votre journée ?
Partager mon expérience, avec des juristes ou non, avec des personnes de mon entreprise ou non, etc… J’adore partager et je le fais principalement en interne pour expliquer ce qu’on fait concrètement en tant que legal ops.
A ce titre, j’ai d’ailleurs commencé par définir notre rôle par la négative (ils pensaient qu’on était des juristes ou des paralegals) : on n’est rien de tout ça en tant que legal ops !
Je procède de manière continue à un « road show éducatif », je rencontre les gens 1 par 1, je leur demande ce qui les ennuie, je les interroge sur ce qui pourrait les aider, et comment.
Donc pour répondre à ta question, j’adore partager mon expérience, aider les gens à faire leur métier de manière plus efficace, en apportant plus de valeur au client interne et en permettant aux juristes de se concentrer sur les tâches juridiques, ce qui va lui permettre d’être plus épanoui au travail.
Je partage également en externe lors de conférences ou séminaires auxquels je suis invitée, et surtout, je continue d’apprendre dès que l’occasion se présente, principalement en rencontrant mes pairs. C’est très facile en Amérique du Nord, où la communauté Legal Ops est très ouverte et accueillante.
Mon expérience la plus récente est l’invitation reçue de l’école de droit de Harvard, ce qui démontre bien l’importance de mon métier dans l’écosystème juridique.
Qu’est-ce qui vous déplaît le plus et que vous aimeriez changer ?
Le manque de temps, et également les rendez-vous inutiles :- les rendez-vous qui pourraient être réglés par un appel très court, sans planification nécessaire.
- les rendez-vous sans ordre du jour…
- les rendez-vous pour lesquels on n’a pas répondu au préalable à la question « est-ce que le rdv peut être un email ? » (et, spoiler alert, la réponse est souvent oui !)